"Fêtes et bals masqués"
Document #51 - mars 2024
Règlement municipal de police, suite à la demande de la Société dramatique de Rennes de donner des bals masqués, 7 nivôse an 9, 9 Fi 2723.
Les bals masqués apparaissent dans la noblesse dès le Moyen Âge. Très appréciés à l'époque de la Renaissance, ils se multiplient dans toute l'Europe et s'ouvrent progressivement à un plus large public. La naissance, en 1715, du magnifique bal de l'Opéra de Paris pendant la période de Carnaval marque un tournant et lance une véritable mode qui va durer jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Le bal, élément fondamental des fêtes princières du 18e siècle, va devenir aussi un élément central des fêtes officielles et bourgeoises du 19e siècle !
Interdit pendant la Révolution, il est rétabli à partir du Consulat. Le bal devient progressivement le terrain de représentation favori de la bourgeoisie rennaise. L'Ouest-Éclair se fait l'écho de ces bals aux décors somptueux, aux costumes extravagants et publie systématiquement la longue liste des personnalités locales présentes (exemple du bal de la presse du 4 avril 1921). Les bals de la Préfecture ou les bals annuels des clubs, comités et associations fleurissent ainsi, de janvier à mars, dans divers lieux de Rennes : hôtel Duguesclin, palais St Georges, salons Gaze ou Gadby, Cercle Paul-Bert, Bourse du commerce ou théâtre municipal.
Les étudiants de Rennes, majoritairement des garçons (bien que les écoles soient ouvertes aux femmes à partir de 1880), sont également très impliqués dans les fêtes carnavalesques de la ville. Ils organisent, en collaboration avec la municipalité, les fêtes de bienfaisance de la Mi-Carême à partir de 1906 et de Mardi gras à partir de 1920. Ils participent aussi aux bals annuels de leurs écoles, qui leur donnent l'occasion de nouer des relations utiles à leurs futures carrières. Le bal est donc le lieu des relations influentes et de la représentation sociale, caractérisé par un certain entre-soi.
Cependant, masqué, paré ou travesti, le bal est aussi le lieu de la transgression des règles et de la liberté des corps. L'incognito, offert par le port du masque et le déguisement, permet la licence, les intrigues et ne manquent pas de provoquer quelques débordements ! Mais ceux-ci sont très contrôlés par la Police des bals masqués, comme en atteste ce règlement municipal. Ce document autorise la Société dramatique, qui exploite le théâtre, à organiser des bals masqués dès 1800, mais en présence des forces de l'ordre (commissaire, piquet de gendarmerie et gardes de troupes de ligne) et à condition que quatre artistes de la troupe restent "dans la salle pendant toute la durée du bal afin que personne n'en trouble l'ordre." Ceux-ci ont pour mission de surveiller la salle et de signaler à la police "toute chose contraire au bon ordre", comme les personnes qui entreraient avec des "armes, cannes, bâtons, fouets et autres objets défensifs." Les articles 8, 9 et 10 insistent sur les peines encourues par les personnes masquées qui se permettraient propos injurieux ou désordres. "Désirant voir la décence régner dans un lieu qui réunit les citoyens pour jouir du plaisir de la danse" les tenues sont également extrêmement contrôlées, comme l'indique l'arrêté additionnel au règlement (9 Fi 2724) qui interdit d'y entrer en bottes, chapeau sur la tête et roquelaure (manteau qui s'arrêtait aux genoux et se boutonnait sur le devant) !
Malheureusement, peu de documents d'archives nous donnent accès au déroulement détaillé de ces bals avant les années 1920. Il faut attendre l’entre-deux guerres pour que les descriptions soient plus étayées dans la presse. Apparait alors l'image d'une jeunesse plus libre, qui fait entrer le jazz dans les bals et s'affranchit du quadrille pour s'adonner au one-tep ou au fox-trot ! Le bal se transforme au rythme de la société des années folles, les corps commencent à se libérer, à l'image de cette femme aux cheveux courts et tenue légère du programme de la Mi-Carême de 1929 !
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