Premiers acteurs de la fête
La première fête de la jeunesse est organisée à Rennes en 1925. Elle doit son existence à l’appui inconditionnel de la ville de Rennes et à l’action de son maire, Jean Janvier mais témoigne aussi de la vitalité du Cercle Paul Bert, en tant que grande association laïque rennaise et de l'engagement des maîtres d’œuvre de la fête, les moniteurs généraux, qui n’ont été que trois entre 1925 et 2000, marquant, chacun, une génération.
Le Cercle Paul-Bert
Dans la première décennie du XXe siècle, les patronages catholiques sont déjà bien organisés : la Société de gymnastique, d’instruction militaire et de musique de la Tour d’Auvergne est fondée en 1900 et la section sportive des Cadets de Bretagne en1902. Après la séparation de l’Église et de l’État, l’arrivée des Républicains à la tête de la municipalité en 1908, pousse la Société des Anciens élèves des écoles publiques de Rennes à créer un véritable patronage laïc, qui prend le nom de Cercle Paul Bert, en 1909.
Vu comme un instrument de socialisation républicaine et de patriotisme par la municipalité Janvier, il est doté de bâtiments rue de Paris dès 1910 et bénéficie de subventions substantielles. Il adopte la devise « Par l’école laïque, pour la Patrie, pour la République » et multiplie les activités destinées aux jeunes : conférences, jeux de société, lecture, photographie, sténographie, musique d’orchestre, football , tir, gymnastique masculine, puis féminine.
Le prosélytisme du Cercle s'étend au sein des écoles publiques, viviers de futurs adhérents, en grande partie grâce aux instituteurs. L’information des parents et adultes est largement diffusée, grâce à un bulletin, dont le premier numéro paraît en 1925. La fête de la jeunesse, en fournissant des revenus au Cercle Paul Bert (places payantes pour le spectacle du vélodrome et revenus de la buvette, entre autres) contribue également à le soutenir.
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Des acteurs mobilisés
Il est nécessaire de souligner que l’organisation de cette fête a toujours été lourde et complexe. Son incontestable réussite annuelle ne peut se comprendre sans la mobilisation d’associations. Outre le cercle Paul Bert, on peut citer la Fédération des œuvres laïques d’Ille-et-Vilaine, les multiples amicales laïques, à l’intérieur du département et à l’extérieur. La fête mobilise également les professeurs d’éducation physique, qui conçoivent les différentes parties du spectacle, chaque année renouvelées. Les nombreux techniciens de la Ville et les centaines de bénévoles, apportent une large contribution à la préparation de la fête. Mais ce sont les moniteurs généraux de la Ville qui en sont les coordinateurs essentiels, ayant la lourde tâche de faire répéter les enfants.
Trois grandes figures dominent l’histoire de la fête de la jeunesse des écoles publiques de Rennes : un militaire, Édouard Bougouin (1925-1954), un instituteur, Félix Masson (1955-1980), un sportif militant, Jean-Pierre Bigrel (1981-2000).
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Le Commandant Bougouin
Originaire de Loire-Inférieure, Édouard Bougouin a trente ans lorsque Jean Janvier, le nomme, en 1913, professeur de gymnastique des écoles municipales et responsable des œuvres postscolaires de la ville. À cette époque, il a déjà exercé des responsabilités sportives, en tant que fondateur et dirigeant de l’Union sportive fougeraise, de 1906 à 1913. Officier des sapeurs-pompiers, il terminera sa carrière comme commandant de la compagnie de Rennes.
L’engagement d’Édouard Bougouin au Cercle Paul Bert est profondément militant. Dans les années 1920, avec le président, il est la figure la plus marquante de l’association laïque rennaise. Physique austère, caractère entier, pour ne pas dire autoritaire, voire tyrannique, Édouard Bougouin y dirige l’éducation physique avec une poigne d’acier.
À partir de la première fête de la jeunesse, en 1925, il a la haute main sur toute la partie technique de la fête. Surtout, par ses multiples activités, il agit au sein d’un réseau de relations très large, qui s’étend de la Ville à la Région jusqu’au niveau national, puis international. Chevalier de la Légion d’honneur, officier de l’Instruction publique, titulaire de la Croix de guerre, il incarne à la fois la culture militaire, la gymnastique et la fête de la jeunesse. Il dirige cette fête de 1925 à 1955, date de sa mort. Dès lors, à chaque fête de la jeunesse, sur le stade vélodrome (qui porte son nom depuis 1957), une minute de silence sera respectée à sa mémoire.
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Félix Masson
Successeur du commandant Bougouin, Félix Masson est un instituteur, issu de la promotion 1937-1940 de l’école normale d’instituteurs de Rennes. Grand sportif, il est connu pour ses talents de footballeur. Il incarne l’osmose entre l’enseignement et le sport.
Félix Masson quitte précocement le métier d’instituteur pour d’autres fonctions. En 1951, l’inspection académique le détache à la direction de l’éducation physique de la ville de Rennes. Quatre ans plus tard, à la mort du commandant Bougouin, il devient moniteur général du Cercle Paul Bert et, à ce titre, chargé de la préparation technique de la fête de la jeunesse. De 1956 à 1980, il apparaît, en survêtement blanc, à la tête du défilé des élèves, des groupes de gymnastes et musiciens de la fête de la jeunesse des écoles publiques de Rennes. Il dirige magistralement cette fête, qui connaît alors une longue période de popularité.
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Jean-Pierre Bigrel
À partir de 1981, Jean-Pierre Bigrel, troisième et dernier moniteur général, succède à Félix Masson. Moins autoritaire que ses prédécesseurs, il n’a également qu’une seule vocation, celle du sport. Il franchit tous les échelons, commençant comme aide-moniteur à 17 ans, moniteur de la mairie de Rennes en 1962. Il entame une longue carrière de deux décennies, en tant que moniteur de la ville, aux côtés de Félix Masson. En 1981, il est nommé directeur du service des sports de la ville de Rennes. À l’image de ceux qui l’ont précédé, son parcours de responsable sportif est inséparable d’une activité au Cercle Paul Bert, dont il devient le secrétaire général.
À partir de 1981, il s’efforce de conjuguer, dans cette manifestation annuelle, l’esprit traditionnel du militantisme laïc avec l’affirmation d’une fête pacifique, revêtant la forme d’un spectacle plus divers dans ses rythmes et thèmes musicaux. La fête devient également nocturne.
Son départ, en 2000, constitue une rupture véritable, la fête de la jeunesse devenant un simple rassemblement festif des enfants des écoles publiques rennaises, sans moniteur général.
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