Panneau "La cité idéale : l'ambitieux projet d'Isaac Robelin" - Salle "Embellir la ville"

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Panneau "La cité idéale : l'ambitieux projet d'Isaac Robelin" - Salle "Embellir la ville"

L'ambitieux projet d'Isaac Robelin

Mémoires pour servir à l'intelligence du projet général sur le tracé de la ville de Rennes, 25 avril 1721, DD 231

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En tant que directeur des fortifications de Bretagne, l’ingénieur Isaac Robelin bénéficiait d’une reconnaissance à l’échelle du royaume, ce qui justifie sa désignation par le roi pour élaborer les plans de la reconstruction de la ville de Rennes après son incendie en 1720 [cf. II. A. notice Robelin]. Les archives municipales de Rennes conservent plusieurs documents, manuscrits, imprimés et graphiques, qui donnent une idée précise de son projet particulièrement ambitieux. Ce dernier, qui témoigne en partie des idéaux du siècle des Lumières, concernait effectivement l'ensemble de la ville, et non sa seule partie incendiée.

Parmi ces documents, nous pouvons citer les deux « mémoires » que Robelin écrivit le 25 avril 1721 l’un « pour servir à l’intelligence du projet général » et à son exécution et l’autre dédié à la fourniture des matériaux nécessaires à la reconstruction des maisons incendiées. Le mémoire explicitant le projet général était associé à un dessin le représentant « tracé sur le plan de la ville de Rennes cy joint » : là encore, texte et image sont associés pour rendre intelligibles les intentions de l’ingénieur. Ces différents documents étaient à destination de l’intendant de Bretagne qui représentait le Conseil du roi et de la communauté de ville qui regroupait le maire et les échevins, des parlementaires et grands marchands rennais. 

Le premier « mémoire » pose plusieurs préalables, autant de « principes » qui ont guidé l’ingénieur dans sa conception. Son intention était de faire de Rennes une ville « belle, utile au commerce et au bien public ». Conçu à l’échelle de la ville, son projet se borne cependant aux limites physiques de la ville intra-muros, renonçant à la démolition des remparts (« étant [...] essentiel d’avoir un rampart au pourtour d’une ville ») et ignorant les faubourgs.

Pour Robelin, le premier point, constitutif de la beauté, de l’utilité et du dynamisme d’une ville, résidait dans le tracé de ses rues. Celles-ci devaient être rectilignes et suffisamment larges pour faciliter le transport et les manœuvres des charrois. Le plan orthogonal que dessinait ce nouveau réseau et en particulier les angles droits des îlots servaient, selon l’ingénieur, « tant pour la beauté extérieure que celle de la commodité intérieure ».

Robelin attache en effet une importance toute particulière à la beauté géométrique dans son projet. Les places publiques, elles aussi géométriques, devaient être d’une « grandeur sufisante » et reliées aux rues sur chacun de leurs côtés afin de rendre la ville commode et agréable. On retrouve également à la lecture de ce « mémoire » une conception idéale de la ville nourrie par la littérature classique (Vitruve, Alberti) et une bonne connaissance des usages contemporains. Robelin considère que la ville, pour être belle, doit être équilibrée et bien proportionnée, aussi bien matériellement (« que ces islos ne soient point trop grands [...] et surtout qu’ils ne soient point trop petits ») qu’institutionnellement (« est très essentiel que les susdits tribunaux [...] ne soient point dans un mesme quartier ») afin que les habitants s’y répartissent de façon homogène.

Son mémoire a en outre le mérite de proposer sa vision de Rennes : une ville partagée par la Vilaine en deux parties presque égales, l’une « Haute », touchée par l’incendie, et l’autre « Basse, en ce qu’elle est vers les marais ». Il semble avoir repéré une faiblesse dans la difficile connexion entre ces deux parties puisqu’elles ne sont principalement reliées que par un seul ouvrage, le Pont-Neuf. Il apprécie en revanche la « belle place du palais » du Parlement, assez vaste et marquée par cet édifice imposant érigé au début du 17e siècle par l’architecte de la reine, Salomon de Brosse. Il constate que des rues importantes y convergent et qu’elle serait « propre à y ériger une figure équestre », en l’occurrence celle de Louis XIV conservée à Nantes depuis 1713, attendant qu’une place se libère dans la capitale provinciale pour l’accueillir [cf. notice III. B. « une statue qui trouve enfin sa place »].

Peu à peu, son projet se dessine : il souhaite aussi perfectionner le réseau viaire existant en reliant les rues rectilignes à des places déjà existantes, comme celle du Champ-Jacquet ou de Saint-Sauveur, dont il compte améliorer la régularité d’ensemble et la capacité d’accueil. Lorsque cela est nécessaire, il n’hésite pas à créer de nouveaux axes et de nouvelles rues afin de rendre plus efficace les liaisons entre les différentes portes de la ville. La circulation, pour des raisons économiques mais aussi hygiéniques chères à Hippocrate (aération), fut au centre de la conception de Robelin.

Pour ce dernier, la Vilaine est l’une des grandes beautés de la ville mais elle n’est pas exploitée comme il se doit. Il souhaite donc la mettre en valeur en aménageant des quais, des ponts et en la canalisant afin d’améliorer les conditions de navigation et d’accélérer son débit. Cela éviterait que son eau ne stagne et ne soit responsable, comme c’était alors le cas, de la propagation de maladies. Une fois de plus, la motivation économique se double d’une préoccupation hygiéniste tout en ne délaissant pas la question de la beauté de la ville et des effets visuels qui la composent : « outre les avantages et les comodités que le susdit canal doit produire, c’est que cela formera aussi une des plus grandes beautés de la ville par la veue des deux grandes façades parallèles qui s’élèveront en droite ligne le long des susdits deux quays ». Il s’agit là des préoccupations majeures, avec la valorisation de l’image royale, des projets d’embellissement urbain au siècle des Lumières.

Pour Robelin, l’aménagement de la zone non sinistrée, plus précisément celui de la partie basse, était essentiel car sa projection orthogonale et sa conception des places avaient engendré une part accrue de vide dans la ville. Il convenait alors, pour reloger les habitants et créer des logements, de repenser toute la ville. Il souhaitait que la Ville Basse soit percée « de rues droites distribuées dans les mêmes principes » que la Ville Haute et bénéficie d’une juridiction « pour obliger et exciter d’y bâtir », en l’occurrence le Présidial, véritable pendant du Parlement. Compte-tenu du coût de ces opérations qui impliqueraient de détruire des bâtiments épargnés par l’incendie et de l’emprise des propriétés des élites politiques et religieuses, la résistance fut grande et l’intervention dans la partie basse ne vit pas le jour avant le 19e siècle.

Robelin récapitule ensuite son projet et tente de l’étayer en discutant sa faisabilité, en particulier financière. Pour ce faire, il joint à son premier mémoire un second qui inventorie les conditions avantageuses d’approvisionnement et d’acheminement des matériaux (bois, pierre de taille, moellon, briques, chaux, etc.) sur le chantier et propose des estimations détaillées pour que le maître d’ouvrage, à savoir la communauté de ville, accepte son projet.